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Valérie Gnoni

La vie d’une femme heureuse

Témoignage sur les bienfaits de la résilience

À mon mari, ma fille, mon fils,

À ma famille,

À mes très chères amies,

À la vie,

Mes humbles remerciements à Danielle et à Lucie.

CE QU’IL FAUT POUR ÊTRE HEUREUX

Il faut penser, sans quoi l’homme devient, malgré son âme, un vrai cheval de somme

Il faut aimer, c’est ce qui nous soutient, sans rien aimer, il est triste d’être homme

Il faut avoir douce société, des gens savants, instruits, sans suffisance, et de plaisirs grands variété, sans quoi les jours sont plus longs qu’on ne pense

Il faut avoir un ami, qu’en tout temps, pour son bonheur, on écoute, on consulte, qui puisse rendre à notre âme en tumulte, les maux moins vifs et les plaisirs plus grands

Il faut le soir, un souper délectable, où l’on soit libre, où l’on goûte à propos, les mets exquis, les bons vins, les bons mots, et sans être ivre, il faut sortir de table

Il faut, la nuit, tenir entre deux draps, le tendre objet que notre cœur adore, le caresser, s’endormir dans ses bras, et le matin, recommencer encore.

Voltaire

Préface

Valérie a entrepris bien des choses et, d’un certain point de vue, elle a toujours réussi. Sa vie réussie n’est toutefois pas un long fleuve tranquille. Elle relate son parcours et la manière dont elle continue d’aller vers l’avant. Elle partage les interventions subies avec beaucoup de détails et elle parle des répercussions sur son corps et son moral, et sur les membres de la famille. Elle décrit ses états d’âme quand elle traverse les moments douloureux, les décisions importantes qu’elle prend, la reconstruction de sa vie, le retour de son énergie. Son livre est instructif pour toutes les personnes malades qui accusent les coups, qui ressentent les blessures et les souffrances, mais qui se tiennent debout malgré tout.

La maladie oblige à prendre un temps d’arrêt. Si l’on n’est pas trop fatigué, si l’on n’a pas trop la nausée, c’est l’occasion de faire un cheminement vers le passé pour revivre pleinement les événements bons et mauvais, écrit Valérie. C’est l’occasion de comprendre les détours, d’accepter les passages difficiles et d’apprécier les moments heureux de l’enfance à hier. La maladie est une occasion de se redéfinir et de… renaître. Ceux qui survivent à la maladie ont une ferveur de vivre. Ils ont le gène du bonheur qui ne meurt jamais, qui s’affaiblit parfois, mais ne meurt pas. Ils ont aussi des amis et de la famille qui les soutiennent, ainsi que des soins médicaux de professionnels souvent attentionnés. Ce livre est écrit par une battante et il inspire l’optimisme en chacun face à l’adversité.

Lucie Mandeville

Psychologue, auteure, conférencière et intervenante dans les médias, Lucie Mandeville est membre de l’Ordre des psychologues du Québec depuis vingt ans. Elle est professeure titulaire au département de psychologie de l’université de Sherbrooke et y enseigne la psychothérapie humaniste et positive, aussi depuis vingt ans. Elle est reconnue comme la principale spécialiste de la psychologie positive au Québec. Elle est l’auteure du best-seller Le Bonheur extraordinaire des gens ordinaires et son dernier livre est Malade et Heureux.

1

Je suis sur mon lit, à demi allongée, la tête et le dos surélevés par mon oreiller.

Mon esprit est rêveur, le ciel est visible de la fenêtre de ma chambre médicalisée d’où je peux entrevoir sans le sentir le soleil. Le lit voisin est libre de toute occupation, pas de bruit, rien qu’un moment de tranquillité.

Je viens de raccrocher le téléphone. Mon mari m’a appelée et donné des nouvelles des enfants et de sa journée. Il a pris, bien sûr, soin de savoir comment je me sentais. Je n’ai pas encore les résultats de mon intervention.

Puis le chirurgien arrive, je le sens fuyant et gêné. Il m’annonce que je dois subir une nouvelle opération, ajoute qu’il me faudra rester six jours supplémentaires, puis quitte la chambre presque en courant.

Il ne me l’a pas dit, n’a pas prononcé le mot mais je suis là, littéralement assommée, dans mon lit.

Un moment passe, long ou pas, je suis dans l’incapacité totale de le dire. Je ne peux pas appeler mon mari, je sais qu’il est occupé avec nos deux enfants. Je décide de le joindre plus tard dès qu’ils seront couchés dans leur lit.

Mon esprit pragmatique prend le dessus. Je pense à l’organisation pour les enfants et à tout le quotidien à gérer. Comment leur dire que leur maman va rester encore loin d’eux ? Ils n’ont que 8 et 4 ans…

Comment annoncer à mon mari que sa femme de 36 ans a un cancer du sein ?

2

Un samedi matin, je me réveille avec une douleur au sein droit, sans trop d’inquiétude. Me connaissant, n’étant pas douillette, je me suis dit que ça va passer. Nous allons pouvoir profiter de ce week-end en famille, avec ce plaisir renouvelé chaque semaine. Mais la douleur ne l’entend pas ainsi, elle s’est amplifiée. Mon mari arrive derrière moi et en m’attrapant dans ses bras, me fait pousser un cri.

J’obtiens une consultation en urgence chez mon gynécologue le matin même. Il me calme la douleur avec une pommade anesthésiante, me fait une biopsie et m’adresse chez le radiologue pour un examen d’écho-mammographie.

Les résultats radiographiques et biopsiques ne sont pas formels. Mon médecin me transmet deux noms de chirurgiens.

Je prends rendez-vous avec le premier chirurgien, un spécialiste très réputé. Il me dit qu’il n’y a rien d’inquiétant et qu’il ne fera aucun geste chirurgical. Pourtant, au fond de moi, mon instinct me guide : il faut que j’aie un autre avis. Je rencontre alors le deuxième chirurgien de la liste qui, dans le doute, me dit-il, il vaut mieux opérer. Il pense que mon cas devait être bénin au vu de mon âge et des premiers résultats.

C’est l’heure, je peux appeler mon mari. Je lui dis très simplement que le chirurgien est passé me voir juste après son appel, que je dois rester à la clinique, car les résultats de la biopsie opératoire ne sont pas bons ; ils ont découvert un cancer et doivent élargir le geste chirurgical. Suite à la tumorectomie, je vais avoir une quadrantectomie.

Il accuse le coup, je sais qu’il est choqué comme moi, mais il fait bonne figure au téléphone.

Je décide qu’il transmettra une lettre à chacun de nos enfants dans laquelle je leur expliquerai, avec des mots simples et en fonction de leur âge, pourquoi leur maman n’est toujours pas auprès d’eux, sans prononcer le nom de ma maladie. Entre-temps, je leur parlerai au téléphone uniquement de leur petite vie à eux.

Le papa de mes enfants fera face, je peux compter sur lui. Il sait très bien s’occuper d’eux avec toute sa tendresse. C’est un papa-poule.

La deuxième intervention est programmée rapidement. Je subis plus que je ne participe, je n’ai pas vraiment le choix. Mon moral est bon et le personnel est aux petits soins avec moi.

Le lit d’à côté est entre-temps occupé par une femme qui vient de subir une reconstruction mammaire. Hasard ou pas, une discussion s’engage, j’ai besoin d’avoir l’avis d’une personne plus expérimentée dans le vécu de cette maladie.

Elle est à l’écoute et répond à toutes mes questions.

Lors de nombreuses visites de la famille et d’amis, je peux me promener aux alentours de la clinique et sentir la douceur de l’air et du soleil. Nous sommes aux prémices du printemps et cela me fait énormément de bien. Je me sens encore vivante, alors qu’on m’annonçait la mort.

Au même moment, l’actualité nous informe des horreurs de la guerre du Kosovo. Cela me conforte dans le fait qu’il y a des situations bien pires que la mienne et cela me marque beaucoup.

Le soutien et la délicatesse de mon mari sont très importants pour moi. La sollicitude de toutes les autres personnes qui me sont chères me fait vraiment plaisir, chacune exprimant à sa façon et avec pudeur son ressenti face à ma situation.

Mes amis ont une grande place dans ma vie. Je constate que je ne me suis pas trompée sur le relationnel que j’ai avec toutes ces personnes. Une seule maladresse, dans des propos tenus lors d’une conversation téléphonique, m’a beaucoup contrariée. Avec le recul, je me dis que cette personne ne se rendait pas compte de ce qu’elle disait et de l’impact de ses paroles sur moi. J’étais à ce moment-là dans une période de faiblesse et d’hypersensibilité.